L'île aux pirates - introduction Sélène

La traversée en mer t'a paru longue, bien que tu ne comptes plus les jours depuis longtemps. Si tu as eu la chance de ne pas être malade, au contraire de certaines de tes nouvelles camarades, le défilement des quarts, les tâches de mousse qu'on t'a confiées, les bavardages et la peur des tempêtes t'ont bien occupée !

Dans cet environnement exclusivement féminin, tu n'as guère eu l'occasion de regretter ta vie d'avant - et puis, tu sais que lorsque tu reviendras voir ta mère et ton frère, ils pourront être fiers de toi, car tu seras alors une fille perdue. Janile t'a bien expliqué ce que cela pouvait impliquer, et quels sacrifices il fallait faire... Elle t'a aussi parlé des avantages de la vocation avec de telles étoiles dans les yeux que ton caractère enflammé a suivi et espéré ce moment où, enfin, tu verrais le relief de l'île aux pirates se dessiner à l'horizon, tâche sombre entre bleu et bleu.

Les Naïades poussent des cris de joie tandis que les quatre autres jeunes filles, qui ont à peu près ton âge, restent figées sur le bastingage, émues, excitées ou un peu effrayées.

Il y a Varena, une fille de Naïade, sa peau, pendant le trajet, s'est teintée d'un bleu plus prononcée : elle force votre admiration tant elle est à l'aise sur le navire. Cependant, être la fille du capitaine ne lui a apporté aucun privilège, bien au contraire... Hélène, choisie par une courtisane, est plus timide. Trop grande pour son âge, un peu gauche, elle semble être un vilain petit canard à côté de sa marraine à l'époustouflante et crâne beauté. La troisième jeune fille du voyage, Xaviera, est pourrie d'orgueil. Fille d'un marchand d'Herm, vous avez vite qu'elle a été choisie pour sa capacité à mentir et dissimuler. Enfin, Miste, pauvre comme toi, est si effacée et si timide que tu as bien du mal à comprendre sa présence ici. Vous avez cru comprendre qu'elle avait voulu faire comme sa mère, décédée en couches. Mais tu as lu dans le regard de ta mentor de la pitié quand tu parlais de cette nouvelle camarade.

Mais tout ça est loin de ta pensée alors que l'île se rapproche, vous offrant à la vue ce toit de verdure luxuriante, couvrant le relief principal.

L'ile de Naïades ! J'inspire avec plaisir le vent qui tente de me décoiffer. Ce vent nouveau, inconnu, c'est aussi celui de mes espoirs, d'une nouvelle vie qui commence...

J'essaie en vain de sentir déjà dans l'air marin les parfums de cette terre à présent si proche. J'ai beau ne l'avoir jamais vue, elle me semble étrangement familière. Il faut dire que nous en avons tellement parlé et reparlé les unes avec les autres ! Nos marraines nous ont assez reproché de bavarder sans arrêt. Mais à quoi s'attendaient-elles ? Et même si durant toute la traversée, il a fallu sans arrêt préparer les repas, laver le pont, rabattre les voiles, il restait toujours un peu de temps avant de s'endormir pour regarder les étoiles se lever sur la mer, et rêver à notre avenir commun...

J'ai beau me sentir un peu effrayée par l'aventure qui s'annonce, c'est avec un sourire sur les lèvres que je m'exclame, autant pour moi que pour mes compagnes:

- Enfin !

Derrière vous la Capitaine fait entendre sa voix, mais vous ne l'écoutez pas vraiment. Alors que vous êtes encore trop loin de l'île pour imaginer y aller même en chaloupe - et d'ailleurs, ne devrait-il pas y avoir un port ? - le bateau stoppe, ayant lâché l'ancre.

Cette fois,la capitaine vous interpelle directement et vous vous retournez comme une seule femme.

- Voici venu le temps de la première épreuve, jeunes filles.

Elle désigne l'île du doigt.

- Cette île n'accueille que les meilleures, que celles qui en sont dignes.

Vous voyez qu'on prépare la passerelle sensée pouvoir atteindre le sol dur et uni de la terre ferme, mais qui, là, ne peut déboucher que sur un plongeon...

- Vous allez donc nager jusqu'à l'ile, pour prouver votre détermination.

Ces trois phrases toutes simples, dites sur un ton qui ne permet aucune objection, fait naitre un silence de mort parmi vous. Vos mentors, pas très loin, restent silencieuses. Seule Janile sourit.

Nous sommes là, toutes les cinq, à nous observer. Personne ne parle. Personne ne bouge. Combien d'entre nous savent vraiment nager ? Varena, évidemment. Et Hélène m'avait raconté comment elle avait sauvé son petit frère de la noyade lors d'une traversée en barque sur le Riu. Mais Xaviera ? Et Miste ?

Quant à moi... mon père nous a flanqués à l'eau, Tig' et moi, dès que nous étions en âge de marcher. Je me souviens encore de sa voix profonde qui couvrait mes hurlements: "Tu es une fille de marin, Sel'. Ça n'a pas peur de l'eau, une fille de marin !" Tig' a toujours été meilleur que moi, mais au moins, je sais nager...

De toute façon, si je n'y vais pas, tout ça ne servira à rien. Je retournerai à la vie d'avant, sans même le peu d'honneur et d'espoir que j'ai à présent. Et si je me noie, elles me repêcheront... enfin, peut-être ? Je me tourne vers Janile, en essayant de trouver un peu d'assurance dans son sourire. Après tout, elle ne m'aurait pas emmenée jusqu'ici si je n'étais même pas capable de passer la première épreuve. Je pousse un bref soupir avant de m'approcher de la passerelle, le visage fermé.

Le gilet à mes pieds. La ceinture qui glisse autour de ma taille. Puis un bouton, deux boutons, trois boutons de ma chemise que je dégrafe... En quelques instants, tous mes vêtements ne sont plus qu'un tas de chiffons sur le bastingage.

Car c'est nue que je descends la passerelle, pas particulièrement fière de mon corps, mais pas vraiment honteuse non plus. A quoi bon s'embarrasser d'habits gorgés d'eau ? La pudeur attendra un autre jour... une fois que je serai là-bas. Enfin arrivée au bout de la planche, après une marche qui me semble avoir pris des heures, je détourne mon regard de l'île au loin pour regarder les femmes restées sur le navire, et puis...

Plouf !

C'est dans le silence le plus solennel que toi, suivie de tes camarades, allez à l'eau. Varena d'abord, nue comme toi. Malgré son aisance évidente tu ne la sens pas fière. La distance est grande et si, sans doute, la noyade n'est pas une des morts qui lui sont destinées, peut-être n'est-elle pas sûre d'arriver à destination : toutes les naïades ne sont pas des filles perdues... Xiviera suit ensuite, elle a gardé sa chemise et elle a attaché ses cheveux dans un chignon très serré. Ses lèvres pincées et son regard d'acier révèlent sa grande détermination, bien qu'elle ait du mal à se maintenir à flot. Hélène la suit sur la passerelle, nue aussi, mais ses bras cachent ce que la pudeur aime tenir secret. Elle saute cependant, même si dans son regard se lit la crainte et l'angoisse. Elle essaie de n'en rien montrer, mûe par un courage secret.

Il se passe un petit moment avant que Miste n'apparaisse sur la passerelle. Vous n'entendez pas ce qu'il se dit mais vous la voyez hésiter. Personne, cependant, ne la pousse, et c'est d'elle-même qu'elle va à l'eau qui efface ses larmes. Sur son visage, ce n'est pas la crainte que vous lisez, mais la panique, et le plongeon est sa première tasse.

Sur le bastingage, l'équipage au complet apparait - vos mentors aussi, le visage impénétrable. La capitaine lance ses dernières phrases courtes :

- Vous devez arriver sur l'île avant la fin du jour. Qu'importe les moyens que vous devez mettre en œuvre pour y arriver, c'est votre but. Une fille perdue doit savoir faire preuve de détermination. Elle doit savoir faire preuve de courage. Sinon, elle n'a pas à être des nôtres. Et jamais elle ne touchera le sol de l'île. Bon courage ! Que la mer voit votre cœur et le juge.

Le silence qui suit vous fait comprendre qu'il est temps pour vous de partir. Janile te lance un sourire qui ravive en toi la confiance alors que Varena disparait sous l'eau.

Je lance un dernier regard à Janile, puis je me retourne vers l'île et commence à fendre l'eau dans sa direction. Ma nage n'a certainement pas le style élégant de Varena, mais c'est bien le dernier de mes soucis. Il faut aller vite, mais aussi économiser ses forces, car la route risque d'être longue. Atteindre l'île avant la fin du jour... Mais à quelle distance sommes-nous donc de la terre ? Et comment nous retrouveront-elles, si nous touchons terre ?

Au bout d'une dizaine de minutes dans l'eau tout juste tiède, je lève la tête et regarde à nouveau autour de moi en reprenant mon souffle. Je regarde d'abord parce que je suis curieuse... Comment les autres filles se débrouillent-elles ? Suivent-elles ?

Je regarde ensuite parce que j'ai un peu peur. Et si un courant nous faisait dériver au fil des heures, loin de notre objectif ? Ou pire encore, s'il nous repoussait loin des côtes ?

Mais je regarde surtout parce que je cherche une quelconque aide, moi qui reste sans défense au milieu de cette eau qui m'est étrangère. Si nous sommes assez proches de l'île, peut-être y aura-t-il des branches ou des débris que je pourrais utiliser comme un radeau improvisé ?

Tu ne vois ni Myste ni Varena, qui semblent avoir disparu. Tu discernes, derrière toi, la chevelure blonde de Xiviera qui persévère, bien qu'elle n'avance guère vite. Hélène est à peu près à la même hauteur que toi, mais beaucoup plus sur la droite.

Le soleil est encore haut dans le ciel, vous êtes en début d'après midi. Tu estimes qu'il ne faut pas plusieurs heures pour rejoindre le rivage, mais peut-être en effet les naïades ont-elles compter avec les courants, ou les moments de pause qui vous seront nécessaires, et où ceux-ci vous emporteront ? Pour l'instant en tout cas ils te sont favorables, te poussant vers le rivage encore lointain.

Alors que tu penses à un débri quelconque qui pourrait survenir, tu vois arriver un tas d'objets hétéroclites : des couverts en argent, des robes, un boulet de canon et des débris de bois plus ou moins importants - tout cela étant absolument insolite, improbable et inespéré.

[HRP : Un boulet de canon... qui flotte ?]

* Mais qu'est-ce que c'est que... ? *

J'éclate de rire face à l'étrange spectacle qui flotte devant moi... mais bien vite, je ne souris même plus. Il doit s'agir d'un navire qui a sombré -- comme celui de Papa. Enervée, je secoue la tête pour chasser mes idées noires.

* Allez, Sél', pas question de se laisser distraire... *

J'étudie avec attention le grand bazar flottant qui tangue lentement autour de moi. D'où une telle cargaison peut-elle venir ?

Finalement, je repère une planche sur laquelle je peux m'asseoir sans trop de difficulté. Une fois installée, j'attrape au passage un bout de bois en guise de rame de fortune. Et un peu plus tard, alors que je commence à pagayer de bon coeur, j'accroche à mon radeau de fortune un drap qui pourra me servir de vêtement une fois arrivée... si j'arrive là-bas.

[Eh oui ]

Alors que tu avances, les objets hétéroclites et épars retournent au fond de l'océan que, peut-être, ils n'auraient jamais dû quitter. Alors que tu t'efforces à avancer vers un bout de tissu qui semble continuer à flotter, tu as soudain du mal à avancer, tant le courant se fait plus fort, te poussant latéralement. Une première houle t'amène plus loin, une seconde trop loin alors que le tissu a déjà disparu de ton champ de vision, peut-être a-t-il coulé à son tour, lui aussi. Quoiqu'il en soit, si ce courant ne t'amène pas plus loin de l'île, il ne t'en rapproche pas non plus.

* Qu'est-ce que c'est que ce... *

- Gloup !

J'agite en tout sens les bras et les jambes alors que le courant me pousse. Pas vraiment pour lutter contre le courant, qui est de toute façon trop fort. Plutôt pour calmer ma colère en agissant, même en pure perte.

Lorsqu'enfin le courant disparaît, aussi mystérieusement qu'il était apparu, je reprends mon souffle. Ça n'a ni queue ni tête. Une cargaison qui apparaît et qui disparaît sous mon nez, des courants qui n'existent que le temps de me faire dériver, comme par magie... Magie ? De la magie ? Tiens, mais qu'est-ce que Janile m'avait raconté là-dessus ?

Tout en regardant la silhouette de l'île au lointain, je répète à voix haute ce que Janile m'avait raconté des filles perdues, lorsqu'elle m'avait proposé de la suivre:

"Nos pouvoirs magiques nous permettent de maîtriser les eaux... les eaux et les illusions !"

Ma bouche se tord dans une moue franchement mécontente. Je suis tombée dans un piège comme la première des idiotes ! Et ce piège ne sera probablement pas le dernier. Mais maintenant, au moins, je sais à quoi m'en tenir. Et tandis que je recommence à nager, plus décidée que jamais, je repense sans cesse aux paroles de la Capitaine :

* Faites preuve de détermination. Sans cela, vous ne toucherez jamais l'île... *

Tu parviens à avancer, il te semble que l'île se rapproche assez bien... Mais la première crampe finit par arriver, et tu fais la planche... Dos sur le bois, tu regardes le soleil qui semble taper un peu dur et agresser ta peau. Lorsque tu te retournes - si peu de temps après, pourtant - l'ile te semble moins proche : le courant t'a de nouveau éloigné d'elle, même si le bateau dont tu vois la voile te semble encore loin, ce qui est rassurant... ou pas.

* Faites preuve de détermination... *

Pas vraiment le choix. Que ce fichu courant soit magique ou naturel, il va m'empêcher d'atteindre les côtes si je m'arrête, même si ce n'est que pour quelques minutes. Avancer, coûte que coûte.

Je recommence à nager, allongée sur ma planche. D'abord avec les bras seulement. Puis lorsque ceux-ci me font souffrir, je les laisse se reposer tout en battant des jambes, pour continuer à avancer. Puis quand mes jambes s'ankylosent, à nouveau les bras, puis encore les jambes...

Toujours en mouvement, quoiqu'il arrive...

Plongée dans le temps et l'espace abolis...

Seule compte la voix de mon père, douce et encourageante...

"Encore dix, Sel'... Très bien... Continue..."

Tu continues donc, sans jamais te soucier de ta fatigue, des autres, du temps qui passe... L'ile se rapproche et, plus elle se rapproche, plus cela te semble facile. Il te semble même que ce n'est plus toi qui nage, alors que tu sombres dans une sorte de sommeil épuisé, mais la planche. Une planche au doux pelage, qui semble te porter entre ce qui paraît être des ailes repliées.

Tu ne sauras jamais ce qu'il en fut exactement car la planche disparait soudain, te faisant réveiller en sursaut - tu n'es plus qu'à quelques dizaines de mètres de la plage.

* Terre ! Terre ! *

Pas le temps de réfléchir. Et pas question de s'arrêter ! Malgré la lassitude dans mes bras et dans mes jambes, la vue du rivage me redonne la force de continuer -- ou de recommencer ? -- à nager. L'île, enfin ! L'île dont Janile m'a tant parlé, celle où je vais découvrir ma nouvelle vie, cette vie que j'attends depuis si longtemps !

C'est avec le sourire aux lèvres, et le coeur plus léger que j'observe la côte qui s'avance. Me voici prête à accoster, pitoyable pirate sans arme et sans vêtement, avec sa pauvre planche pour tout navire.

La planche a disparu... Mais tu arrives sans souci sur le sable où tu te laisses échouer, épuisée.

Tu entends des cris qui semblent se rapprocher, puis ta conscience te quitte - tu es arrivée au bout de tes forces.

...

Quand tu te réveilles, tu entends d'abord des bruits de fête - de la musique, des rires, des cris joyeux. Puis tu vois le visage de Janile, éclairé par une bougie posée sur la table de chevet, qui te sourit. Tu vois au-dessus d'elle, la tenture bleu du toit de la pièce - sans doute es-tu dans une tente, et prêt de la mer si en crois les senteurs marines qui te parviennent en même temps que la fraîcheur d'un courant d'air.

Ton mentor approche de toi un bol qu'elle te tend.

- Tu as réussi, ma belle. Félicitations ! Te voilà acceptée sur l'ile des pirates. Je savais que tu réussirais !

- C'est vrai ? J'ai réussi ?

J'éclate de rire en prenant le bol des mains de Janile. J'ai une envie folle de lui sauter au cou, mais mon corps est fatigué, si fatigué... et ma gorge est si sèche ! Je bois avec avidité l'eau que Janile m'a offerte, l'eau la plus douce que j'ai jamais goûtée.

* J'ai réussi ! Si seulement maman et Tig' étaient là ! *

Le vent marin continue à emporter des cris de joie et des rires. Je demande, pleine d'espoir :

- Et les autres filles ? Elles sont arrivées, elles aussi ?

Alors que tu tends les bras pour saisir le bol tu te rends compte que ta peau est très rouge, un peu brûlée par le soleil - mais tu ne sens pas de douleur, étrangement. L'eau que tu bois est douce, sucrée, doucement aromatisée, qui apaise ta gorge et allège ton esprit.

Janile répond de sa voix douce tandis que tu avales à petites gorgées le liquide tiède :

- Tu es la première à être arrivée au rivage, il semble que tu aies très rapidement compris ce qu'il t'était demandé. Varena est arrivée peu de temps après toi, elle a dû affronter un courant contraire qui l'a littéralement épuisée. Xiviera est arrivée en troisième, mais il semble que la mer ait voulu que l'épreuve soit difficile pour elle... Tu comprendras quand tu la verras, dit-elle en baissant le regard. Hélène a réussi aussi, même si nous avons cru un instant que nous aurions à la récupérer. Mais quand elle a vu le bateau arriver elle a repris sa nage et a ainsi réussi l'épreuve. Miste, par contre...

Elle fait une pause, et répond dans un soupir.

- Miste n'a pas su réussir l'épreuve.

Elle lève les yeux.

- Tu dois penser à celles qui ont réussi, elles vont être tes camarades. Demain soir vous commencerez l'entrainement et vous serez admises au dortoir.

Le ton de Janile me renforce dans mes convictions. L'épreuve n'était pas tant contre la mer... que contre nous-mêmes. L'orgueil de Xaviera lui aurait-il joué des tours ? Je me mords les lèvres pour ne pas poser d'autres questions sur mes compagnes. Je saurai bien assez vite ce qui s'est passé pour elles... hormis Miste. Je sens un pincement au coeur de savoir qu'une d'entre nous est déjà partie.

Si je me sens toujours excitée d'être sur la fameuse île des pirates, je me sens tout d'un coup un peu inquiète en entendant Janile parler d'entraînement. D'autres épreuves en perspective...

- Et que devons-nous faire d'ici demain soir ?

Elle pose sa main sur ton bras - mais tu ne sens pas le contact, comme si ta peau avait été insensibilisée - et sourit.

- Ce soir, tu dois faire la fête, et demain te reposer.

- Faire la fête ?

Je ris en entendant les paroles de Janile. Je me sens soudain plus légère, si légère, comme si tout était facile, sans conséquence. Pas ivre, non, simplement... heureuse ! Et avec une envie folle d'en profiter... Maintenant. Tout de suite !

- Oh oui. Et plutôt deux fois qu'une !

que j'accompagne d'un clin d'oeil entendu. Puis je me lève de ma couche, prête à la suivre -- et impatiente de le faire.

Tes jambes sont un peu flageolantes mais tu retrouves appui très vite, Janile t'aidant dans un premier temps avant que tu n'y arrives seule. Ta mentor t'aide à enfiler une robe simple - bien que de meilleure facture que tout ce que tu n'as jamais porté - et t'aide à la lasser sur tes hanches. Les manches sont évasées, le décolleté charmant, et tu t'y sens bien. Janile ouvre sa main et te montre ainsi une fine chaine d'argent et un pendentif en forme de navire :



- C'est là un cadeau que ma mentor m'a remis lorsque je passai cette épreuve, et aujourd'hui je te le remets à mon tour, Sélène. Qu'il puisse te porter chance comme il le fit pour moi.

Elle passe derrière ton dos pour l'attacher sur ta nuque sur laquelle ses doigts semblent s'attarder avant de la quitter.

Elle repasse devant toi et te tend deux petites chaussures de cuir souple.

- Ce soir il n'y a que l'équipage et certains de tes futurs professeurs venus voir les nouvelles futures naïades. Nous n'irons au port que demain. Profite bien de cette soirée.

Elle se recule un peu et te regarde, souriante.

- Tu feras une très belle femme, dit-elle simplement, prête à quitter la tente si tu n'as rien à lui dire.

Je porte la main au navire d'argent qui pend à mon cou, tandis que je sens mes joues rosir. L'excitation de la soirée à venir ? La surprise de ce cadeau inattendu ? L'inquiétude de rencontrer mes professeurs ? Le compliment inattendu de Janile ? Autre chose ?

Nerveuse, je bredouille avec un sourire incertain:

- Merci... merci pour tout, Janile.

Elle hoche la tête et soulève le pan de la tente - tu peux apercevoir fugacement des ombres dansant tandis que la musique te parvient plus forte, sons de flûte et de tambourin, accompagnée d'une douce brise fortement iodée. Puis le pan se referme, te laissant de nouveau dans le calme.