Ton garde t'amène hors du donjon, dans le corps du bâtiment où vivent les soldats et quelques artisans et leurs familles qui sont payés par l'état pour entretenir le château - alors que les domestiques sont aux frais du capitaine. Distinction administrative de piètre importance puisque le Capitaine est lui aussi en partie payé par l'état - l'autre partie par les impôts qu'il a droit de prélever sur les villages environnants qu'il protège de son ombre.
Tu sais que le médecin fait partie des personnes payées par l'état. Il a logiquement dû faire ses études dans la capitale, formés par des humains et des lutins, grands alliés des Bohémiens car enfant de Nature comme eux. Tu t'attends donc à rencontrer une personne compétente.
Et de fait, lorsque tu entres dans la grande pièce après avoir déambulé dans des couloirs étrangement calmes, l'impression de propre qui se dégage des murs, du sol, des draps blancs étendus qui séparent les lits, l'odeur brûlée des herbes qu'on utilise pour assécher l'air confirme l'éducation du médecin.
Tu es cependant surprise par le calme total qui règne ici. Tu t'attendais à une infirmerie dépassée, à des lits remplis de gisants douloureux, et, en avançant, tu ne vois que des lits bas mais surtout libres. Plus tu avances, plus ton impression de malaise est augmentée par le fait d'avoir la vague impression que tout est trop bas, ou trop petit. Comme si tu avais soudain augmenté de taille alors que le garde te dépasse toujours d'une bonne tête. Cela te donne la vague impression d'être dans un rêve où la logique et parfois les proportions sont chamboulées, ce qui provoque un léger mal au cœur indéfinissable.
Tout s'explique quand, après trois coups sur la porte et une permission d'entrer, tu découvres l'identité - et surtout la race - du médecin. Celui-ci est debout sur la table, observant un alambic qui déverse ses dernières gouttes crémeuses dans un bol. Le garde te salue avant de te laisser seule avec le lutin qui semble des plus absorbés. Il te fait signe d'attendre et de t'asseoir sur une chaise adaptée à la taille humaine, ce qui te laisse le temps d'observer la pièce étrangement dépouillée. En dehors de quelques livres, il y a surtout des parchemins et des alambics. Cela te surprend, rares sont les lutins qui s'aventurent dans la science de la chimie - ou alchimie ? - ne serait-ce parce que le matériel lui-même oblige à une certaine sédentarité.
Quand enfin la dernière goutte est tombée, le lutin saisit le bol avec précaution, le pèse et écrit quelque chose sur un parchemin ouvert sur la même table. Il daigne enfin lever les yeux vers toi - de grands yeux mauves qui te dévisagent. Il s'approche de toi, restant toujours sur la table pour être à hauteur.
- Bonjour demoiselle mercenaire
Est-ce pour un questionnaire
Que vous venez jusqu'à mon repère ?