2. Arrivée à la forteresse

Vous traversez donc tous ensembles le village après qu'Iris ait récupéré sa jument baie sur lequel elle pose Féloptère si celui-ci l'accepte. La brume s'étant levée, la forteresse est visible : haut bâtiment de pierres construit au sommet d'une colline, il domine les environs de sa haute stature. La forêt qui s'étend à l'ouest semble être bloquée par cette masse qui la surplombe et la surveille de son donjon carré au dessus duquel flotte la bannière de Them. Le chemin qui mène à la porte principale est sinueux et grimpe de façon assez abrupte, faisant tirer vos mollets - sans doute la colline est-elle plus haute que ce qu'elle parait aux premiers abords.

Les meurtrières, les mâchicoulis sur les remparts, les tours du mur d'enceinte qui entoure le donjon présentent ce bâtiment comme purement militaire. Aussi, lorsque vous arrivez à la porte, vous n'êtes pas surpris de voir deux gardes vous arrêter :

- Qui êtes-vous, et que venez-vous faire ici ?

Entre eux vous pouvez voir l'espace qui sépare le mur du donjon. Un homme en armure, à la barbe blanche, le casque au bras, parle à des soldats en rang. A côté de cet homme charismatique se dresse, bien droit et le visage fermé, un homme à la longue toge verte : un inquisiteur de la Colonne de l'Ordre. Mais ils sont trop loin pour que vous entendiez ce qu'il se dit, et vous devez pour l'instant répondre aux gardes.

Je masse légèrement mes mollets avant de prendre les devants pour répondre au garde, décidée à me mettre à l'œuvre le plus rapidement possible. Je ne prête guère d'attention au soldat à la barbe blanche mais mon regard reste un instant fixé sur l'inquisiteur de l'ordre alors que je me met en avant du petit groupe.
Je reporte mon regard sur mon interlocuteur avant de déclarer :

- Je ne pense pas que nos noms soit si importants pour le moment mais sachez que nous sommes ici pour répondre à l'appel à l'aide de la forteresse. Nous avons rencontré le neveu du capitaine, Gliwir, l'autre soir à la taverne et il nous a demandé de nous présenter ce matin ici-même.

Ma présentation est peut être imparfaite mais je ne fais pas signe de vouloir continuer à parler, je laisse à mes compagnons le soin ajouter quelque chose.

L'homme grogne à la réponse de Dreanya, regardant la troupe hétéroclite : trois femmes, un farfadet et un homme a demi-civilisé forment, de fait, une étrange troupe de mercenaires. Il vous fait cependant signe de le suivre et vous mène jusqu'à la cour que vous aperceviez auparavant. Mais l'homme à la barbe blanche vient visiblement de finir sa harangue car les soldats se dispersent. Ce que vous remarquez, au-delà des armures brillantes et des fourreaux soignés, ce sont les épaules rentrées, les dos un peu courbés et les regards inquiets. Certains se retrouvent un petits groupes, lançant des regards mauvais vers l'homme en vert - mais cela ne vous surprend guère, les inquisiteurs font souvent cet effet-là.

Cependant, maintenant que vous êtes à l'intérieur, vous vous sentez davantage écrasés par le large donjon qui vous domine de sa haute taille et par ses épais contreforts. Vous remarquez, le long du mur d'enceinte, des maisons dont vous n'aviez pas soupçonné la présence. Certaines ont l'air abandonnées mais la présence des cochons révèlent l'existence d'habitants.

Votre attention est ramenée sur l'homme à l'armure par votre garde.

- Je vais vous présenter au capitaine Ptoléméos.

De fait, vous vous approchez du duo autoritaire dont vous pouvez mieux voir les traits. L'homme à la barbe blanche a la cinquantaine bien tassée mais est encore vigoureux si vous en croyez son maintien droit et son regard dur. Les cheveux courts taillés en brosse révèlent l'homme militaire avant le châtelain, tout comme ses grosses poignes mal soignées : sans aucun doute voilà un capitaine qui mérite son titre.

L'homme qui se tient à ses côtés est moins grand que Ptoléméos, mais l'est assez tout de même, même si sa carrure est bien moins imposante, révélant l'intellectuel courbé sur ses bouquins par ses épaules frêles et son dos légèrement vouté. Cependant ses yeux noirs, petits et rapprochés, son nez aquilin, ses lèvres minces laissent entrevoir, plus encore que l'anneau vert des Inquisiteurs qui orne son annulaire gauche, un esprit affuté et rapide, sans doute capable de prendre une décision dans l'urgence.

Les deux hommes se tournent vers vous quand le garde les interpelle.

- Messeigneurs ! Voici des volontaires mercenaires pour cette nuit !

Le capitaine vous regarde avec curiosité, attendant sans doute de plus amples informations. L'inquisiteur attend sans doute de même, mais il a l'air plus réticent, du fait sans doute de votre piètre allure.

Bien content d'avoir pu voyager tranquillement à dos de cheval, mon sourire se fige à notre arrivée à la forteresse.

Ne souhaitant aucunement me faire remarquer par quiconque, je descends d'un bond et reste bien discrètement dans les jambes de mes compagnons.
Et par conséquent, je tiens ma langue.

Un frémissement descend le long de mon dos tandis que les deux hommes nous regardent. Je n'ai pas besoin de regarder Iris pour savoir qu'il en est de même pour elle. A peine arrivées, et nous voilà déjà devant un Inquisiteur. Mais après tout, avec les évènements de ces derniers jours, à quoi pouvait-on s'attendre ?

Je fais un bref salut, presque militaire, en direction des deux hommes, regardant l'homme en vert au nom inconnu, puis Ptoléméos. Mon ton est factuel, presque austère. Ce n'est pas vraiment le moment de parler de la pluie et du brouillard.

- Capitaine. Je m'appelle Sélène. Mes compagnons et moi, nous venons de différentes provinces du Continent. Nous avons voyagé longtemps pour arriver jusqu'ici -- et ça n'a pas toujours été une partie de plaisir, vous vous en doutez.

Nous sommes venus vous aider en ces temps difficiles. Et de l'aide, vous en avez besoin, et plutôt deux fois qu'une, à ce qu'en dit le village.

Je croise les bras, sûre de moi, ne cherchant même pas à éviter le regard de l'Inquisiteur.

- J'ignorais que le bruit de notre affaire avait dépassé les frontières, et quelle était si ancienne qu'elle avait laissé le temps aux gens lointains d'entendre la nouvelle et de venir. En quelques jours à peine la rumeur est très forte, et vous très rapides.

Le ton de l'inquisiteur n'est pas sarcastique, ni même cassant, juste atone. Vous l'imaginez très bien au-dessus d'une tête broussailleuse pourchasser les poux un par un avec patience et efficacité.

Mais de fait, prétendre être venu de loin juste pour cette affaire - c'est à dire mentir dès la première rencontre avec un inquisiteur - n'était pas forcément la meilleure stratégie à adopter.

- Peu importe pourquoi ils sont là, Inquisiteur Paulus - s'ils ont appris ce matin ou s'ils sont venus exprès, s'ils sont là pour l'or ou pour le sens de la justice, l'important est qu'il nous aide, tranche Ptoléméos d'une voix grave habituée à commander.

L'inquisiteur Paulus hoche la tête, se rangeant aux arguments sensés du capitaine, mais cela ne l'empêche pas de regarder Sélène d'un regard sévère et désapprobateur pendant que Ptoléméos se tourne vers vous :

Quels sont vos noms et vos compétences ?

Je m'incline légèrement avec une certaine grâce dû à mon travail de danceuse mais toujours le regard fixé sur le capitaine ne prêtant guère attention à l'inquisiteur.
Sur un ton posé je commence à me présenter.

-Capitaine, je me nomme Dreanya et je suis ici pour mettre à votre service mes talents de guérisseuse.

Je rends à l'inquisiteur son regard glacé avant de me tourner vers le captaine, les bras toujours croisés, et sans prendre la peine de répéter mon nom, j'ajoute:

- Acrobate, je sais manier la corde et le poignard. Je connais le prix de la discrétion, et je sais voir sans être vue.

* Et tant pis si le terme de voleuse vient à l'esprit de Paulus...

- Je suis Iris. Et ce que je sais encore faire de mieux, c'est me battre.

Elle pointe du doigt Féloptère :

- Voici Féloptère, mon farfadet personnel.

Le regard du capitaine se fait incisif sur la pauvre petite créature qui essayait de se cacher mais il n'émet aucune remarque.

- Bien.

Il se tourne d'abord vers la Bohémienne :

- Pour vous, nous allons vous faire amener directement à l'infirmerie, vous parlerez avec Théodore, le médecin de la forteresse. Mais d'abord, nous allons vous faire signer le registre des entrées. Ensuite - il se tourne alors vers les combattants - nous vous ferons visiter la forteresse et expliquer la situation. Nous nous retrouverons pour manger ce midi. Des questions ?

J'écoute ce que me dit le capitaine en hochant de la tête, les instructions sont claires et mes questions ne concernent que le médecin. Je m'abstiens donc de tout commentaire et répond à la question du capitaine en faisant signe que "non" de la tête.
Je vais pour signer le registre afin de me rendre au plus vite à l'infirmerie.

Je me contente d'acquiescer brièvement aux paroles du capitaine. Je me mets à la suite de mes camarades pour signer le registre. J'en profite pour regarder les noms de ceux qui nous ont précédés sur la page ouverte, tout en me demandant s'ils sont encore dans la forteresse, et dans quel état...

Spoiler:

Ce n'est pas le capitaine qui vous mène au registre mais deux de ces gardes qui auront ensuite la charge de vous faire visiter les lieux. Ils vous mènent au premier étage du donjon, devant une porte qui se trouve être close. L'un des deux vous quitte puis revient, quelques minutes plus tard, avec une femme qui semble être la châtelaine, si vous en croyez la qualité de le manteau qu'elle porte sur sa robe, d'un rouge sombre doublé de vair.

Grande, la taille fine, les cheveux bruns coiffés eu deux très longues tresses mélés de fins rubans rouges à la mode d'Eurys, cette femme pourrait être d'une grande beauté si la pâleur, les cernes, la tristesse, n'affaidissaient un visage aux traits fins. Elle a un sourire forcé en vous voyant :

- Bienvenue à vous, mercenaires. Puisse la chance vous sourire.

Son accent un peu rauque la définit comme une femme de Pand, mais sa langueur mélancolique n'appartient qu'à elle. Elle sort de son aumonière un trousseau de clé et, alors qu'elle s'apprête à la tourner dans la serrure, elle reprend la parole :

- Oh, au fait, je m'appelle Calliste, je suis la femme du capitaine Ptoléméos.

Puis elle ouvre la porte devant laquelle vous attendiez. Elle vous autorise à pénétrer ainsi dans ce qui semble être un bureau, au vu des meubles présents dans la pièce. Gam peut noter intérieurement que ce bureau est bien plus petit que celui qu'il a pu voir à l'hôpital, et bien moins rempli de livres et de parchemins. Sur le mur de droite, vous pouvez admirer une grande tapisserie représentant une scène guerrière, tandis que la châtelaine se dirige derrière le bureau et y ouvre un volume épais et vous tend une plume après y avoir écrit elle-même quelques phrases.

- Ceci est le journal de bord de la forteresse. Mon mari et moi-même avons la charge de consigner tout ce qu'il s'y passe chaque jour, mais aussi les entrées et les sorties des personnes. Aussi je vous prie de bien vouloir écrire votre nom et de signer à la suite de ce que je viens d'écrire...

Je m'incline légèrement lorsque la femme du capitaine se présente à nous, mon regard reste fixé sur ses traits tirés. J'aurais bien aimé la soulager un peu des peines qui semblaient l'accabler mais le travail qui m'attendait ne serait certainement pas de tout repos et mon énergie sera plus que requise.
Pour ne pas la gêner davantage je reporte mon attention sur le livre dont elle nous parlait à l'instant, et d'un pas fluide m'avance vers ce dernier pour y écrire mon nom et y apposer ma signature qui n'avait rien d'élaborer.
Une fois cela fait je me tourne vers Calliste.

-Y a-t-il autre chose que je doive faire avant de rejoindre l'infirmerie ?

Mon ton est calme et poli.

Je sors d'entre les jambes d'Iris (après tout, ne suis-je pas son Farfadet personnel ?) et me dirige à mon tour vers le bureau. D'un bond, je saute sur la chaise et attrape la plume. Avant de consigner mon nom et ma signature, je jette un oeil à ceux qui l'ont fait avant.
Puis, ma curiosité satisfaite, je griffonne enfin nom et signature. Ce n'est pas très lisible mais pourtant le trait recèle d'une certaine élégance.

Je redescends d'un autre bond et commence à laisser courir mon regard sur la pièce.

Je salue de la tête la femme du capitaine. Je lis attentivement le paragraphe rédigé par Calisste, mais aussi le reste du contenu de la page, avant d'ajouter mon nom et ma signature, tout en courbes et en arabesques.

En relevant la tête, je demande à Calliste sur un ton clairement intéressé :

- Est-ce que vous avez aussi décrit dans ce journal... les "évènements" de ces deniers jours ?

Comme la châtelaine avait commencé une nouvelle page, vous ne pouvez pas voir grand chose - si ce n'est que vous êtes sans doute les premiers arrivants de ce jour. Cela dit, elle répond à la question de Sélène :

- Oui, bien sûr. Mais nous sommes peu entrés dans les détails, vous aurez encore plus de renseignements en discutant avec les personnes.

Habituée à déceler mensonges et tromperies, la fille perdue a l'impression qu'en vérité Calliste n'a pas envie de lui confier le livre et encore moins de l'autoriser à en lire le contenu.

Puis a femme au regard triste se tourne vers la Bohémienne :

- Rien ne me vient à l'esprit, notre médecin répondra avec plaisir à toutes vos questions je pense.

Gam, le nez sur la tapisserie, peut en admirer toute la beauté. Le chevalier, épée au clair, commande son destrier qui, de ses pattes antérieures, menace la créature qui font face au blanc duo. Un serpent, dont la taille défie les proportions naturelles, les yeux rouges et la langue bifide, menace de balayer de sa queue ses agresseurs. Le cadre du combat te paraît étrange : il s'agit d'une sorte d'amphithéâtre en ruine.

Calliste t'observe observer la tapisserie et explique à ton attention :

- Vous avez sans doute devinez que le chevalier banc est Iskèdre, le prince de Them qui a participé à la Grande Guerre. Nous ne savons pas trop qui est ce serpent, nous pensons qu'il représente le Mal qui a été combattu alors. Cette tapisserie date de cette époque, elle a toujours été à cette place depuis qu'elle a été offerte par une des princesses royales il y a de cela plus de 400 ans, en remerciement des services reçus.

Féloptère, quand à lui, n'observe pas grand chose à sa taille si ce n'est la forme étrange de l'aumônière de la châtelaine, un carré semble s'imprimer sur le tissu depuis l'intérieur, comme si un objet un peu trop volumineux faisait pression sur le tissu, mais sans être assez solide pour ne pas céder partiellement à la pression du tissu sur lui.

J'écoute avec un certain détachement la réponse de Calliste sachant déjà ce qu'elle allait me répondre puis pose mon regard sur la tapisserie alors qu'elle explique la légende qui y est illustrée.
Mon impatience commence à se faire sentir, je perds du temps inutilement pendant que le médecin surchargé doit délaisser certains de ses patients, à cette pensée fâcheuse je fronce les sourcils et décide de prendre congé de cette petite assemblée si agréable fut-elle.

-Ma Dame, si vous me le permettez j'aimerais regagner l'infirmerie à présent.

Calliste te donne congé, et tu rejoins ton guide dans le couloir.

Spoiler:

Intrigué par cette poche secrète et son contenu, je me rapproche innocemment pour essayer, en toute en discrétion, de voir de quoi il s'agit.
A première vue, cela pourrait être un livre mais il serait plus qu'imprudent d'y mettre la main. Du moins pour l'instant...

Je fais mine de croire à la sincérité de la réponse de Calliste. Voyant que Féloptère semble très intéressé par les vêtements de la châtelaine, je décide de détourner l'attention de cette dernière. Je m'exclame avec enthousiasme en m'approchant de la toile aux délicates broderies:

- C'est une tapisserie magnifique ! On les croirait presque vivants. Mais je ne reconnais pas l'endroit du combat... Savez-vous où cet amphithéâtre se trouvait ?

- Non, répond simplement Calliste.

- Cette bataille a eu lieu dans l'amphithéâtre d'Herm, où les agents de la Prophétie ont réuni tous les chefs de gouvernement du Continent, ou leurs représentants pour ceux qui n'avaient pas de chef. C'est à ce moment que... le "Mal" a décidé d'attaquer. Cela dit, je connais des représentations d'Iskèdre plus flatteuses, conclut Iris de sa voix posée.

- Bien, après ce cours d'histoire fort intéressant, je vous propose de vous poser dans vos quartiers.

Calliste, visiblement agacée par la sapience d'une simple aventurière, referme le livre d'un geste sec, exprimant par là son impatience à vous voir sortir.

@ Feloptère : par ta petite taille, tu n'as aucun mal à te faire oublié des autres, et tu parviens à passer sous la table pour tenter de voir l'aumônière de plus près... Pour ne rien apprendre de plus.